jeudi 2 février 2017

Sermon de Mgr Bestion lors des confirmations à Brive (29 janvier 2017)



Dimanche dernier, 29 janvier, à l'occasion de la fête de saint François de Sales, patron de l'Institut du Christ Roi, Mgr Francis Bestion, évêque de Tulle, a honoré de sa présence les fidèles de Saint-Paul de Rivet, à Brive. Après avoir conféré le sacrement de confirmation à huit jeunes de notre apostolat, Monseigneur a assisté pontificalement à la messe chantée par le chanoine S. Goupil. Voici le texte de l'homélie du pontife.


Frères et sœurs, chers confirmés,



         Dans l’évangile d’aujourd’hui Jésus nous adresse des paroles fortes pour notre vie de disciples, à sa suite, et notre vie de témoins, d’apôtres, de missionnaires.



         Deux expressions dans la bouche de Jésus : « vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde ». Ces paroles concernent chaque baptisé dans sa vie personnelle et, en même temps et inséparablement, elles concernent l’Église. D’ailleurs Jésus s’adresse au groupe des disciples, pas à un seul d’entre eux.



         Vous avez sans doute remarqué que Jésus ne parle pas au futur mais au présent : « Vous êtes ». Il n’indique pas non plus un devoir à réaliser, mais il affirme quelque chose qui est un état de fait : « vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde ». Jésus nous dit ce que nous sommes. C’est important d’entendre cela.



         A partir de là, vous pouvez vous demander, vous qui venez d’être confirmés, mais aussi nous tous : en quoi suis-je, en quoi sommes-nous, en Église, sel de la terre et lumière du monde ? C’est vrai que si vous dites à quelqu’un : « je suis la lumière du monde », il va vous dire peut-être : « calme-toi, petit prétentieux »… et il aura raison. Et pourtant, c’est bien ce que dit Jésus à notre sujet. Pourquoi peut-il dire cela de nous et pourquoi nous, nous ne pouvons pas le dire de nous-mêmes ? Tout simplement parce que ce n’est pas de nous-mêmes que nous sommes sel et lumière, mais nous le sommes grâce à l’Esprit du Christ qui habite en nos cœurs. C’est l’Esprit de notre baptême et de notre confirmation qui nous rend capables d’être sel et lumière. Il n’y a que Jésus qui puisse être véritablement, par lui-même, sel de la terre et lumière du monde. Et c’est ce qu’il dit, ailleurs, dans l’évangile : « je suis la lumière du monde ». Aucun d’entre nous ne peut dire cela. Mais parce que Dieu nous donne son Esprit, nous pouvons être sel de la terre et lumière du monde. Nous pouvons être des reflets de la lumière du Christ, comme la lune reflète la lumière du soleil.



         Les premiers chrétiens, pour exprimer la réalité du baptême, parlaient de l’Illumination, du sacrement de l’Illumination. Le baptisé est un illuminé, parce qu’il a reçu la lumière du Christ. C’est pour cela qu’on remet au baptisé (ou bien, si c’est un bébé, on remet à ses parents) un cierge allumé au Cierge pascal qui représente le Christ ressuscité. Ça veut dire : tu es lumière, parce que le Christ t’a illuminé ! C’est un don que nous avons reçu ; nous n’y sommes pour rien. C’est un cadeau. Mais, attention ! Vous savez bien qu’une lumière, elle peut s’éteindre ou bien, comme le dit Jésus, elle peut être mise sous un boisseau. Et alors, elle n’éclaire plus.



         Quand Jésus nous dit « vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde », c’est comme s’il nous disait : devenez ce que vous êtes ! La vie chrétienne, c’est de devenir, jour après jour, ce que nous sommes, de porter à son accomplissement la grâce qui nous a été donnée. Ce n’est jamais fini ! C’est un chemin, c’est un combat, c’est une conversion.



         D’ailleurs, Jésus nous prévient : le sel peut s’affadir et alors il ne remplit plus sa fonction, il ne sale plus, il ne donne plus de saveur aux aliments. Et le sel ne peut pas se saler lui-même. Si la vie chrétienne s’affadit – c’est-à-dire si nous ne sommes plus vraiment ce que le baptême nous a donné d’être – alors nous ne pouvons plus remplir la mission qui nous a été donnée. 


         Aujourd’hui, huit d’entre nous viennent d’être confirmés. Ils ont été marqués du sceau de l’Esprit-Saint pour être capables d’être sel de la terre et lumière du monde, pour être témoins de Jésus-Christ, lumière du monde, pour être des reflets de la Source lumineuse qui est Jésus lui-même, pour être des missionnaires de l’Évangile dans le monde. Sans les dons du Saint Esprit, le sel est menacé de s’affadir, la lumière est menacée d’être sous le boisseau.





         Mais il y a autre chose encore de très important. Non seulement nous ne pouvons rien faire sans l’Esprit-Saint, mais nous ne pouvons pas non plus être des disciples du Christ et des missionnaires du Christ, sans l’Église, en dehors de l’Église et, encore moins, contre l’Église. L’Église est notre famille, elle est même notre Mère. Le baptême nous a fait membres du Corps du Christ, du Peuple de Dieu, c’est-à-dire de l’Église. C’est donc en Église que nous sommes sel de la terre et lumière du monde. Un esprit laïciste, aujourd’hui (qui n’est pas du tout ce qu’est la juste laïcité) voudrait tout faire pour que la vie du croyant soit quelque chose d’entièrement personnel ou plutôt de totalement privé. C’est déjà une stupidité sur le plan anthropologique, mais c’est surtout quelque chose qui s’oppose à la nature de la vie chrétienne qui est une vie en Église, et donc aussi une vie publique.



         Je vous pose une question : qu’est-ce que l’Église et où est l’Église ? Ne vous fiez pas à ce qu’en dise les media : la télévision, les journaux. Pour eux, l’Église n’est qu’une institution parmi d’autres et, aujourd’hui, il est de bon ton de critiquer toutes les institutions, même si on veut recourir à elles quand il y a des problèmes. Où est l’Église ? Les Pères de l’Église – St Ignace, St Cyprien, St Irénée et bien d’autres – aimaient employer des aphorismes qui répondent à cette question : Ubi Christus, ibi Ecclesia (où est le Christ, là est l’Église ; Ubi Petrus, ibi Ecclesia (où est Pierre, là est l’Église) ; Ubi episcopus, ibi Ecclesia (où est l’Évêque, là est l’Église). Vous qui avez été confirmés, rappelez-vous de cela : ne vous coupez jamais de l’Évêque, car vous vous couperiez de l’Église ; ne vous coupez jamais de l’Église, car vous vous couperiez du Christ. C’est ce que Ste Jeanne d’Arc avait répondu à ses juges : « le Christ et l’Église, c’est tout un ! ».





         La confirmation fait de vous des envoyés du Christ pour être en Église ses témoins, ses missionnaires. C’est une grâce et c’est une responsabilité. C’est un don et c’est un engagement. Vous rencontrerez des obstacles et vous devrez mener des combats. Mais rappelez-vous ce que je vous ai dit il y a quelques jours : le grand combat, il n’est pas contre des ennemis extérieurs – même s’il en existe - ; il est à l’intérieur de vous-mêmes. Saint Paul l’appelle le « combat spirituel ». Il se livre dans notre cœur. Ne soyez pas comme les pharisiens dont Jésus a dit qu’ils sont blancs à l’extérieur et ténébreux à l’intérieur. Il les a traités de « sépulcres blanchis ». N’ayez pas peur du combat spirituel. Le jour où vous ne combattrez plus, c’est sans doute que le démon aura eu raison de vous. Jésus lui-même a connu ce combat intérieur, alors même qu’il était Fils de Dieu et donc sans péché ; ce qui n’est pas notre cas. Il a connu ce combat au désert de la tentation, au commencement de son ministère public, et à la fin, au Jardin de Gethsémani. Celui qui dirait qu’il n’est jamais tenté, ce serait qu’il a déjà été vaincu. Et alors, il n’intéresse plus le démon. Nous avons des armes pour ce combat intérieur ; saint Paul les énumèrent dans sa lettre aux éphésiens ; il parle du « bouclier de la foi  (qui permets d’éteindre les flèches du malin), du « casque du salut » et de « l’épée de l’Esprit-Saint, qui est la Parole de Dieu ». Vous êtes équipés pour le combat spirituel. Ne déposez pas ces armes là. Déposez celles de la violence, de la méchanceté, de la haine, de la médisance et de la calomnie (la médisance et la calomnie ruinent les communautés chrétiennes), mais ne déposez pas la foi, le salut et l’Esprit-Saint. Dès lors, vous n’avez rien à craindre. Le Christ, par sa victoire sur la mort et par sa résurrection, a vaincu le péché, le mal et la mort. 


         Rappelez-vous les paroles de Jésus : « prenez sur vous mon joug, car mon joug est doux et mon fardeau est léger ». Imitez le Christ dont lui-même nous a dit qu’il est « doux et humble de cœur ». Et si jamais, malgré votre vigilance, le poison de la violence, de la haine, de la médisance, de la calomnie venait à entrer dans votre âme, vous avez un remède : allez vite trouver le prêtre et confessez votre péché pour obtenir le pardon du Seigneur.



         Vous le voyez, chers amis, Jésus ne nous a pas laissés orphelins ! Nous avons l’Esprit-Saint, nous avons la mère Église et nous avons tous les remèdes qu’elle peut nous prodiguer. Aimez l’Église, comme votre mère, et avancez sur le chemin sans crainte. Amen.